Roland LECHABLE

66 ans de vie commune...

Je suis seulement passé dans la pièce à coté
d'après un texte de Saint Augustin

La mort n'est rien, je suis seulement passé, dans la pièce à côté.

Je suis moi. Vous êtes vous.
Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours.

Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné,
parlez-moi comme vous l'avez toujours fait.
N'employez pas un ton différent,
ne prenez pas un air solennel ou triste.
Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble.

Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi.

Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l'a toujours été, sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre.

La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été.
Le fil n'est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos pensées, simplement parce que je suis hors de votre vue ?
Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.

Après avoir écouté la chanson de "La quête" de Jacques Brel
"pour atteindre l'inaccessible étoile..."

Papy, vous qui allez à présent tutoyer les étoiles
Sachez qu'ici bas,
nous prendrons soin de votre jardin, du bel hortensia que vous avez planté le long du mur de chez Jean
et de vos rosiers, de la taille à faire cet hiver prochain,
mais avant toute chose de votre belle famille
et surtout nous prendrons bien soin de Mamie.
Je vous embrasse
Cathy

Qui était mon père ?
Les témoignages ont donné beaucoup d’indices sur ce qu’il a réalisé dans sa vie, de son métier, son rôle d’époux, son rôle de père, son bonheur d’être grand père et dans l’apothéose, d’être promu arrière-grand-père du petit NOA.
Ce que je retiendrais de lui ?
C’était mon père avant tout, celui qui m’a donné la vie, celui qui a porté la responsabilité de nous élever, Marc et moi ; De faire le nécessaire que nous ne manquions de rien, et surtout nous construire un avenir. Lui qui avait démarré dans la vie avec le strict nécessaire et l’ambition de montrer qu’avec force et courage on peut devenir quelqu’un.
Quelle image donnait-il de lui ?
Mon père était un homme généreux ; On l’a souvent moqué de « pingre », mais lorsqu’on est enfant et qu’on reçoit une orange comme cadeau à Noël, on reste marqué par la valeur de l’argent et on sait apprécier les choses simples.
Je ne lui ai jamais connu d’ennemi ; Il était généreux, serviable et forcément bon bricoleur. Impossible de le recevoir chez vous sans recevoir un avis sur les travaux à faire, voire sans qu’il entreprenne de lui-même de commencer les travaux.
Il adorait faire des gestes généreux, offrait des fleurs aux fêtes et anniversaires, s’inquiétait de la situation des autres.
Il était avant tout gai et rieur, adorait faire le clown et raconter des blagues.
Son regard sur les enfants était incroyable, impossible de lui laisser un enfant à coucher car sa passion était de s’amuser et de le faire rire, incompatible avec un enfant en bas âge à coucher le soir.
Mon père a toujours eu une vision heureuse de son parcours, de ce qu’il avait construit. Je l’ai toujours connu, aimant, travailleur, vaillant.
C’était un costaud, capable de faire l’équerre d’un seul bras accroché à une barre fixe et ceci à un âge bien avancé, capable de porter un chauffe-eau ou une machine à laver sur le dos, capable de soulever des montagnes parce qu’il fallait le faire .Il a mené une vie heureuse, toujours accompagné par ma mère. C’est un vrai couple qui nous a donné des valeurs familiales, que nous avons transmises à nos enfants.
Ces derniers mois ont été plus difficiles, il était diminué physiquement, n’arrivait plus à faire de lui-même, et était obligé de me demander de faire à sa place. C’est le seul moment ou je l’ai senti triste. Se sentir physiquement diminué, ne plus être capable de travailler, se voir affaibli, ça aura certainement été le plus dur pour lui. Bien que très inquiet sur son état de santé, il ne demandait jamais d’aide.
Je voudrais dire à me mère qu’il ne faut pas être triste, qu’il ne l’a pas abandonné ; Il a lutté jusqu’au bout pour rester auprès d’elle, et le combat contre la maladie a été long ; Il est parti avec un courage incroyable.
Je voudrais demander à ma mère d’être fière de son mari, du couple qu’ils formaient, de la famille qu’ils ont bâtis et aimés ; ses 2 fils, ses 2 belles filles, les célèbres « Nénettes », ses 4 petits enfants et leurs compagnes et compagnon, son arrière-petit-fils qui est un tonnerre de vie et de gaité.
C’est de ça dont mon père était le plus fier ; Car OUI, il était fier de lui, ne dit-on pas d’ailleurs « FIER COMME UN LECHABLE ? »
Il avait construit sa vie, bâti une famille, et c’est bien ça sa plus belle réussite.
Je suis heureux d’avoir partagé avec lui ses 90 ans, heureux que l’on ai partagé ses dernières vacances, heureux que l’on ai été présent lorsqu’il le fallait.

Adieu l’artiste ! Merci de nous avoir tant donné et parce que je ne te l’ai pas dit assez : Je t’aime .

Comment parler de Papy sans évoquer la Corse qu’il aimait tant.

C’est dans ce village à Osani , que l’on se retrouvait en famille l’été pour partager des moments inoubliables. Nous avons tous passé de nombreuses vacances d'été là bas.

Je vous parle d’une petite maison sur la place du village , une maison dans son jus qui comme par hasard avait bien besoin de quelques travaux.. était-ce une coïncidence ?

Dans cette maison réside de nombreux souvenirs avec nos grands-parents , celui qui revient en premier est le limitateur d’Eau Chaude qui n’était autre que Papy lui-même.

Après 45 secondes de douches, nous avions le droit à des coups sur la porte pour nous rappeler de ne pas prendre de bain.

Nous avons aussi partagé de nombreux repas chaleureux en famille ou avec des amis sous la présidence de papy qui nous rationnait en morceau de pain.

Au fil des années, Papy était de plus en plus à l’aise dans le village. Il se baladait torse nu, en short et en chaussons toute la journée et voguait de maison en maison pour savoir si les habitants n’avaient pas besoin d’un coup de main.

Résultat tous les après-midis avant de descendre à la plage, c’était le même rituel avec Mamie .. Chercher dans quelle maison pouvait encore se trouver notre grand père.

Quand on avait de la chance , il était tout simplement dans son garage sous les tôles en plein cagnard.

Quand on allait à la plage, on pouvait nous entendre arriver à des kilomètres, soit parce que Mamie criait sur Papy , soit parce que papy jouait de l’harmonica au volant, ce qui faisait aussi crier Mamie.

Nous avions aussi la chance d’avoir un bateau en Corse, l’une des plus grandes fiertés de Papy.

Son bateau, c’était sacré. Tellement sacré qu’il était recouvert entièrement d’une bâche qui prenait énormément de place sur le bateau et qui prenait surtout une plombe à retirer et à mettre.

Comme le bateau n’est pas accessible depuis la plage, il fallait aller le chercher à la nage avec un dos crawlé olympique, ou encore avec son annexe, le fameux youyou, qui était majoritairement composé de rustine et de colle.

De mémoire, et même en étant volontaire, aucun d’entre nous n'a eu la responsabilité et le privilège d’aller chercher le bateau au mouillage. Il nous sortait cette phrase qu’il aimait tant ‘Je peux le faire’.En toute honnêteté ,il n'avait surtout pas confiance en notre capacité à manœuvrer son bateau.

Si nous n’avions pas le droit de toucher aux commandes du bateau, il nous emmenait souvent pêcher dans la bonne humeur.
Un jour, et tant qu’on parle de bonne humeur, j’ai voulu l’aider à couper les appeaux avec un cutter, j’ai rippé et malencontreusement percé son bateau adoré. J’ai porté tous les noms d’oiseau sur le chemin du retour, qui n’a jamais été aussi long. Nous n'avons jamais re-abordé le sujet tous les deux, mais le souvenir reste entier.

Même avec plusieurs tentatives , le nom Lechable ne fait pas écho au succès de la pêche en Corse.
La taille des prises dépassait rarement une grosse sardine.

Et bien que Mamie était partante pour préparer un belle prise , elle l’était beaucoup moins pour vider et écailler 25 petits. Je ne peux pas partager avec vous aujourd'hui le terme que mamie employait mais c'était peu flatteur.

En effet, Mamie a eu beau lui rappeler de mettre des hameçons plus gros, la soupe de petits poissons resta quand même le dîner le plus fréquent.

Heureusement , la chasse sous-marine pratiquée par Maxime et moi-même a permis à Mamie de retrouver le goût du poisson.

Lorsque papy nous emmenait en bateau pour pêcher, il prenait soin de nous suivre pour nous surveiller et s’assurer qu'il ne nous arrivait rien.
Quand on sortait la tête de l’eau, on pouvait apercevoir au loin un homme heureux habillé parfois très simplement en train de pêcher.

Bien loin des concours de taille de prise, ou des discours semi héroïques des autres pêcheurs, la pêche était son moment de calme, pendant lequel il pouvait chanter , jouer de la musique et profiter de la nature.

Puis, à la nuit tombée, on pouvait apercevoir un homme sur le balcon de la place centrale pour s’assurer que les enfants du village ne manquaient de rien pour s'amuser. Un filet, un ballon, tous les enfants ont profité de sa générosité. Tout en surveillant qu’ils n’esquintaient pas sa voiture.

Papy avait un coin qu’il appréciait particulièrement en Corse : la plage aux bois morts.
Il récupérait sur cette plage des bois flottants lui permettant de réaliser des sculptures.
Il rentrait avec ces trouvailles à Villepinte dans son autre havre de paix pour y exercer son art. Loin de la plomberie et des chaudières à gaz, sa véranda était son espace artistique, peinture sur coquillage, structure en galets et cassettes de Tino Rossi pour encore profiter de la vie à travers des choses simples.

Parlons de Villepinte justement, son 2eme havre de paix.
Au 69 avenue Georges Sachet à Villepinte, Papi détenait le titre non-officiel du meilleur pâtissier avec sa célèbre tarte aux pommes, assurément la meilleure de Seine Saint Denis, voire même de l’Ile de France, une recette fameuse dont nous avons hérité. Mais il préférait surtout la partager avec sa famille, ses amis et ses voisins.

Soucieux de ne jamais manquer et fort de ses expériences professionnelles variées, il avait à cœur de collectionner et garder des restes de chantiers, du matériel de plomberie, des meubles, des outils de bricolage, banderoles et drapeaux pour les manifestations du 1er Mai et autres curiosités (même une peau de zèbre …). ça peut toujours servir il paraît. En témoigne le cabanon construit au fond du jardin avec une superficie à faire pâlir les minuscules chambres de bonnes parisiennes.

Nous vous laissons imaginer les heures et les week-ends passés au déménagement de cette maison à trier et recycler les douzaines de chauffe-eau, portes-savons, lunettes de toilettes à travers les petites annonces LeBonCoin.
Il prenait également plaisir à décorer la maison, surtout le balcon et le jardin pour Noël (rares fois où nous avons vu un Père Noël sur un balcon dans un rocking chair tout le mois de décembre).

Depuis son balcon, Roland gardait la maison mais aussi toute l’avenue. Gare à vous si vous aviez mal garé votre véhicule …Mais il n'hésitait jamais à offrir son aide pour l’entretien du jardin, une réparation en plomberie ou autre bricolage. Peut-être pouviez-vous entendre depuis la rue un air de bal musette ou d’Yves Montand monter depuis le vieux radio cassettes de la véranda.


Maxime :
Tu es la personne la plus bienveillante et rayonnante que j’ai rencontré dans ma vie , je n’oublierai jamais ce beau sourire sur ton visage.
Tu es pour un véritable exemple par ton parcours de vie et ce que tu as su construire.
Avec le temps tu ne te trouvais plus aussi beau qu’à l’époque, tandis que moi je te regardais avec des étoiles dans les yeux.

Tu es parti sereinement en sachant que :
- Ta famille était auprès de toi
- Ton bateau est en sécurité
- Ta moustache était bien rasée.

A bientôt papy,

Florian :
Merci Papi, pour tout ce que tu as fait pour nous.
Tu étais un homme admirable, bienveillant, rassembleur… et parfois un peu râleur, à ta manière.
Tu as toujours été là pour aider ceux qui en avaient besoin.
Merci, Papi, d’avoir su créer une famille unie, où chacun se sentait comme un poisson dans l’eau.
Merci de nous avoir transmis ton amour de la nature et de la mer.
Grâce à toi, je passe mes journées sur l’eau et j’en profite pour avoir une pensée pour toi.
Merci, Papi.


Bertrand :
Encore une fois pardon pour ton bateau, j’ai vraiment pas fait exprès, et il flottait encore très bien ensuite. Merci papi, merci pour ta manière de vivre le bonheur simplement au quotidien, merci de nous avoir montré votre couple s'aimer jusqu'au bout et encore une fois : elles étaient très bonnes tes tartes aux pommes.

Audrey :
Papi, encore désolé d’avoir vidé dans les égoûts ta cave à vins à Villepinte avant le déménagement. Vraiment le vin était trop vieux, il n’y avait rien à sauver. Merci pour le goût de la décoration vintage et des animaux en carafe, les blagues et surtout celles du gaz et du mazout, Fernand Reynaud et les chansons du bal musette, les leçons de natation au bord de la plage à Osani, les crises de fous rires avant de nous coucher quand nous étions petits (vraiment la pire idée de te demander de coucher les enfants) et le plaisir de boire du champagne le week-end.

Remerciements :
Étant quelqu’un de simple , généreux , avenant, notre papi a naturellement tissé des liens amicaux et fraternels au cours de sa vie avec les nombreuses personnes qu’il a côtoyées.
Votre présence ici reflète bien la personne qu’il représentait et nous vous en remercions.

En souvenir de la fratrie Lechable

Cher Roland tu ne nous chantera plus "le temps des cerises" ou "la butte rouge" nos chanteurs passeurs de mémoire nous quittent, c'est bien triste. Je me rappelle quand tu construisais ta maison à côté de chez nous. Ou quand tu nous emmenais avec mon frangin Claude à la piscine d'Aulnay. Porte-drapeau de notre ARAC de Villepinte tu étais présent à chaque commémoration et tu portais souvent la banderole de l'Ulrpa dans les manifestations pour les pensions des retraité-es. Salut Roland. Tendrement. Daniel